1 - LES LIEUX AVANT L'ÉDIFICATION DU PRIEURÉ

 

On ne sait pratiquement rien sur les faits historiques qui ont précédé le XIIIe siècle. Il est possible que ce site ait été le témoin de rites religieux bien avant le XIIIe siècle, comme ce fut souvent le cas dans des lieux isolés, à l'instar notamment de Saint-Serf qui fonda un ermitage au Ve siècle au pied de la montagne Sainte-Victoire, mais faute d'éléments précis, nous nous devons de rester prudents dans les hypothèses que l'on peut être amené à formuler.

 

Il est en tout cas étonnant de constater qu'au XIe siècle, l'Abbaye Saint-Victor à Marseille, qui possédait pratiquement tous les édifices de la région et qui en assurait le contrôle et la gestion, ne mentionne dans ses registres la présence d' un oratoire ou même d' un simple autel. Ils mentionnent par contre la grotte de Saint-Serf qui était toute proche.

 

Il faut donc attendre le milieu du XIIIe siècle pour trouver dans les écrits les premières traces de la présence d'un ermitage ou d'une petite chapelle (Sancta-Aventura) au sommet de la montagne, mais sans que l'on sache exactement, ni à quelle date elle fut construite, ni à quel endroit précis elle se situait. Après une longue période de silence, ce n'est qu 'aux XVe et XVIe siècles que l'on retrouve sa trace dans des textes ou dans des actes sous le nom de Sainte-Venture.

 

Cette chapelle était sans doute un ermitage datant, pense-t-on, du Ve siècle et qui ne fut habité qu'épisodiquement par de pieux solitaires car l'extrême aridité des lieux ne devait guère favoriser les vocations. C'est pourquoi il connut des périodes d'activités très variables. Ce lieu a cependant été fréquenté assidûment à certaines époques par d'importants personnages de la région, parmi lesquels on peut citer les quatre filles du Comte de Provence Béranger V, qui au XIIIe siècle devinrent reine toutes quatre, puis au XVe siècle la fille du Roi René, Marguerite d'Anjou qui devint reine d'Angleterre. Par la suite, ce lieu fut progressivement abandonné par les ermites et, faute d' entretien, il devint "dans un fâcheux état", comme le mentionne une chronique du XVIIe siècle.

 

La tradition des pèlerinages se maintint en tout cas pendant plusieurs siècles, les périodes fastes alternant avec d'autres moins fastes.

Le plus important fut, sans conteste, celui de Pertuis dont les premières traces de l'existence remontent à 1546. Il se déroulait annuellement le 24 avril, fête traditionnellement adoptée pour Sainte-Venture, date que l'on a attribuée plus tard à Sainte-Victoire, mais il y a là probablement confusion entre les deux noms puisque cette dernière est fêtée dans les bréviaires le 23 décembre (date peu propice pour les pèlerinages en montagne).

Au cours de ce pèlerinage, on voyait défiler à pied une masse importante de plusieurs centaines de personnes, à la fois bruyantes et ferventes, à travers bois, collines et champs sur un trajet de 70 kilomètres aller et retour qui menait de Pertuis jusqu'à l'ermitage. La tradition de cet important pèlerinage a été reprise de nos jours, sous une forme plus modeste, avec le Roumavagi qui a lieu chaque dernier dimanche d'avril.

 

Deux hypothèses s'affrontent en ce qui concerne l'emplacement de l'ermitage. Pour tenter d'y voir clair, attardons-nous un instant sur le relief du site qui existait à cette époque, avant la construction du Prieuré que nous connaissons aujourd'hui.

 

Cet endroit était beaucoup plus austère et nettement moins ensoleillé qu'il ne l'est de nos jours puisque le seuil de la brèche, d'où nous découvrons la grande plaine vers le sud, n'était pas accessible et était plus haut de quelques mètres, ce qui limitait considérablement l'ensoleillement du site. Le sol de celui-ci n'était pas horizontal, mais certainement en assez forte déclivité, descendant dans l'axe nord-sud, depuis le sol de la chapelle actuelle jusqu'à quelques mètres sous la brèche.

 

Divers textes datant de l'époque de la construction du prieuré mentionnent l'existence d'une ancienne chapelle (ou d'un ermitage), située au fond de la déclivité, sous la brèche. En 1806, le chroniqueur Roux-Alpheran décrit ainsi ce bâtiment qui existait encore : "En avançant au midi, on a construit une terrasse qui termine la cour et au bout de laquelle est un balcon de pierres qui joint les deux rochers taillés à pic à une hauteur effrayante. Sous cette terrasse, est une chapelle, qui reçoit le jour par une trappe dans la terrasse". Cette description est d'ailleurs confirmée par un tableau qui date du XVIIIe siècle qui représente le même décor et sous-titré de la manière suivante: "Couvent de Sainte-Victoire vers 1670".

De son côté l'abbé Aubert, fondateur du Prieuré, fait état de travaux de restauration qu'il avait entrepris sur cette chapelle, déjà fort abîmée, afin d'y vivre et d'y recevoir les fidèles en attendant que l'ensemble du Prieuré soit terminé.

 

Avant la construction du Prieuré en 1657 il existait un petit bâtiment bordé de rochers et de murs et recouvert d'une voûte. Ce bâtiment enterré perdura pendant fort longtemps, puisque déjà en ruine en 1654 et restauré, il se voyait encore en 1806 et même en 1955, avant le remblaiement de l'extrémité de l'esplanade, devant le logis d'Elzear. Cependant sa disposition pour le moins incommode n'avait pas retenu l'intérêt des fondateurs du Prieuré au XVIIe siècle, qui lui préférèrent une véritable chapelle et un monastère habitable.

 

Cet édifice avait été construit dans une cavité de 15 mètres de profondeur et a été déblayé récemment. Elle était comblée sur une hauteur de 10 mètres par des quantités de pierres, de gravats et de terre jetés par des générations de visiteurs.

 

2 - LES FONDATEURS DU PRIEURÉ : JEAN AUBERT ET HONORÉ LAMBERT

 

Après la fin des guerres de religion en 1598, grâce à l'Édit de Nantes, une ferveur religieuse nouvelle apparut et un prêtre nommé Jean Aubert, maître de cérémonie en la cathédrale Saint-Sauveur à Aix-en-Provence, décida de restaurer et d'agrandir l'ermitage initial pour en faire un centre de prières et de pèlerinages.
Il trouva un mécène en la personne d'un riche bourgeois d'Aix, Honoré Lambert, qui y consacra la plus grande partie de sa fortune, en reconnaissance à la Vierge Marie pour l'avoir miraculeusement guéri d'une grave maladie. Il fit édifier en 1656 une chapelle digne de ce nom ; elle fut consacrée en 1661 à Notre-Dame-de-la-Victoire.

En raison de l'affluence grandissante des pèlerins, il décida de créer un monastère où pourraient loger en permanence quatre moines destinés à le seconder. Ce monastère et ses dépendances furent construits et terminés en 1664.

 

Tableau anonyme du XVIII, bibliothèque Méjanes
Tableau anonyme du XVIII, bibliothèque Méjanes
Aquarelle de Meunier 1790 environ
Aquarelle de Meunier 1790 environ

 

Grâce à eux, ce lieu de calme et de méditation connut des années d'intense activité religieuse d'une ampleur difficilement imaginable de nos jours.

Dessin au lavis du Prieuré, à la fin du XVIII siècle, réalisé par J. A. Constantin, peintre provençal
Dessin au lavis du Prieuré, à la fin du XVIII siècle, réalisé par J. A. Constantin, peintre provençal

 

3 - LES HABITANTS : MOINES ET ERMITES

 

Les frères Carmes d'Aix-en-Provence contactés par Messire Jean Aubert s'installèrent seulement pour quelques mois dans le monastère.

Puis, 17 ans plus tard, ce furent des moines de la congrégation des frères Camaldules, héritiers de l'ordre de Saint Benoît, qui y vécurent à peine deux ans, avant de se retirer sur ordre de leur congrégation.

A la mort de Jean AUBERT, en 1692, la vie religieuse du Prieuré connut un déclin progressif.

 

4 - LE DECLIN INEXORABLE

 

Seuls quelques ermites acceptèrent par la suite de vivre de façon épisodique au Prieuré qui continua d'être fréquenté par les pèlerins faisant partie de confréries, telles que celles de Vauvenargues, d'Aix et surtout de Pertuis. La plupart des cérémonies cessèrent au moment de la Révolution.

Au milieu du XVIIIe siècle, il y eut quelques essais de reprise de l'activité religieuse et au XIXe siècle des tentatives de restauration furent entreprises. Le dernier ermite, Frère Elzear, quitta les lieux en 1880 et pendant longtemps, l'action conjuguée des intempéries et des vandales paracheva la destruction commencée à la fin du XVIIIe siècle.

L'abandon devint définitif et ce merveilleux ensemble devint un lamentable champ de ruines où seuls les épineux, les ronces et les herbes folles donnaient une apparence de vie.

Photo du Prieuré datant des années 1900
Photo du Prieuré datant des années 1900

 

5 - LE RENOUVEAU DEPUIS 1955

 

Mais il était dit que ce haut-lieu revivrait.

C'est en contemplant ce spectacle de désolation qu'un homme, seul au début mais animé d'une foi et d'une volonté inébranlables, Henri IMOUCHA, décida en 1954 de stopper ce désastre, de sauvegarder ce site et si possible de le restaurer.
Depuis près de soixante ans, l'association "Les Amis de Sainte-Victoire" a oeuvré pour la remise en état de ce site privilégié et pour faire revivre les traditions ancestrales ; elle peut être fière du résultat, même s'il y a encore beaucoup à faire...

 

Vous pouvez consulter la chronologie des travaux de 1955 à 2019

Vue partielle du Prieuré dans les années 30
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Vue similaire, en 2015
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